Une « technologie verte » pour restaurer les sites miniers ?

Pour extraire l’or, l’industrie minière laisse des traces souvent problématiques pour l’environnement. Un étudiant en agroforesterie à l’Université Laval écrit son mémoire sur une technique pour restaurer les sites miniers dégradés.

Lou Sauvajon

Pour faire une bague en or, on estime que 20 tonnes de déchets sont rejetées. Dans le passé, une partie des résidus a souvent été laissée à l’abandon sur les sites miniers. Depuis 2009 au Québec, les entreprises minières sont obligées de restaurer les sites dégradés. Nettoyer et replanter de la végétation, c’est justement ce qu’étudie Martin Beaudoin Nadeau dans le cadre de sa maîtrise en agroforesterie à l’Université Laval. Selon lui, faire interagir les plantes et les champignons dans ces milieux hostiles permettrait de favoriser la revégétalisation des sites miniers.

Un milieu peu propice à la vie

La mine Sigma Lamaque à Val d’Or est devenue le terrain de recherche de Martin Beaudoin Nadeau depuis que la compagnie White Tiger Gold a fermé le site en 2012. L’entreprise doit restaurer 150 hectares de terres quasi désertiques. Dans cette mine, la roche extraite du sol était traitée au cyanure pour séparer l’or. Les résidus obtenus transitaient par des bassins en attendant leur décontamination; ils étaient ensuite entassés sur le terrain. Aujourd’hui, la mine présente des collines de roches à perte de vue où la végétation peine à pousser.

C’est sur ce paysage lunaire que Martin Beaudoin Nadeau fait des recherches pour son mémoire de maîtrise. Dans des sols appauvris comme celui-ci, les plantes peinent à trouver les éléments nutritifs nécessaires à leur survie. Une des rares plantes persistantes est l’épinette blanche. Pourquoi? Martin Beaudoin Nadeau pense que cette espèce réussit à pousser et à survivre en coopérant avec certains champignons.

Coopérer pour que la vie prenne racine

D’où l’idée, pour le chercheur, de se servir de ce processus naturel de symbiose pour faciliter la végétalisation du site. « La symbiose, c’est une association intime et durable de deux organismes qui en retirent chacun des bénéfices », explique Martin Beaudoin Nadeau.

« Les champignons pénètrent les racines et entourent les cellules végétales », précise Yves Piché, professeur en agroforesterie à l’Université Laval. Cette proximité permet aux organismes de faire des échanges. L’association est appelée ectomycorhize : « myco » qui veut dire champignon, « rhize » pour racine.

Le champignon devient en quelque sorte le prolongement du réseau de racines. Il puise des éléments nutritifs présents dans le sol, mais peu accessibles à la plante. « Les filaments des champignons vont chercher les minéraux dans la roche et l’eau du sol, puis les transfèrent aux racines. L’arbre de son côté tire l’énergie du soleil et la transforme en sucres, par photosynthèse », précise Martin Beaudoin Nadeau. Ces sucres sont une source d’énergie pour la plante et profitent également aux champignons. Les deux espèces s’entretiennent et se nourrissent.

Un modèle avantageux pour l’environnement

Dans le but de développer une nouvelle « technologie verte », Martin Beaudoin Nadeau a prélevé des champignons sur place et fait des expériences sous serre. Il cherche à sélectionner les champignons qui seraient les plus bénéfiques à la croissance de l’épinette blanche. Actuellement en train d’analyser les résultats obtenus, il espère trouver une association qui aiderait les arbres à pousser et pourrait accélérer la recolonisation du site.

Aujourd’hui, la technique la plus couramment utilisée pour la revégétalisation des sols miniers canadiens consiste à recouvrir les résidus avec un sol riche en minéraux, puis à réintroduire des plantes. Martin Beaudoin Nadeau propose de replanter des épinettes blanches — en symbiose — directement sur les résidus.

Cette technique permettrait de reconstituer le sol de manière plus naturelle. Par exemple, lorsque les aiguilles tombent, cela apporte de la matière organique au sol. Cette matière organique est ensuite recyclée par les organismes du sol pour former des minéraux. Le sol s’enrichit ainsi progressivement sans apports extérieurs. D’autres espèces végétales pourront pousser par la suite, reconstituant ainsi l’ensemble de l’écosystème.

« C’est une technologie verte qui imite les procédés naturels pour essayer de ramener un écosystème comme il était auparavant », affirme Martin Beaudoin Nadeau. D’après lui, cette technologie, non seulement plus rapide et plus respectueuse de l’environnement, pourrait également diminuer les coûts de restauration des sites miniers. Ces avantages sont susceptibles d’intéresser les compagnies minières, mais également le gouvernement québécois. Ce dernier est responsable d’une soixantaine de sites orphelins abandonnés par l’industrie avant les réformes minières de 2009 et de 2013. Le coût de leur restauration est estimé à 1,2 milliard de dollars aux frais des contribuables.

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